Kunsthaus Pasquart staff members take a look at their favourite works from past exhibitions or from the collection. This week with:

Laura Weber, art historian and intern on: Hervé Graumann, Raoul Pictor cherche son style (1993-2007), Foundation Kunsthaus-Collection

«Aidez Raoul Pictor à trouver son style!

Le Centre d’art Pasquart détient un large panel de productions éclectiques, représentatives de la diversité des propositions artistiques contemporaines. Parmi ces nombreuses créations, une œuvre – la seule dans ce domaine semble-t-il – témoigne de l’exploration artistique du monde numérique, territoire d’expérimentations récent à l’échelle de l’histoire de l’art. L’installation Raoul Pictor cherche son style (1993-2007) de l’artiste plasticien genevois Hervé Graumann (*1963, CH) attire immédiatement l’attention par son originalité et l’humour avec lequel elle problématise la création artistique.

Le Centre d’art a fait l’acquisition de ce programme en 2001. Créé en 1993, Raoul Pictor cherche son style évolue avec les nouvelles technologies. Pionnier de l’art numérique en Suisse, Graumann est attentif aux rapides évolutions du domaine digital : lorsque les premiers smartphones arrivent sur le marché en 2007, l’artiste renouvelle le format en développant une application. La version du Centre d’art fait quant à elle appel à l’informatique de la fin des années 1990. Un ordinateur iMac G3 accompagné de son imprimante est disposé sur une table en bois. Un tapis et une plante verte viennent compléter ce dispositif qui évoque un bureau. Sur l’écran, le programme présente dans l’intimité de son atelier Raoul Pictor, pastiche de la conception romantique de l’artiste vêtu d’une blouse blanche et coiffé d’un béret. En quête artistique, Raoul Pictor déambule inlassablement autour de son chevalet présenté face cachée. À la recherche de son style : il lit, joue de la guitare, marche et boit aussi parfois. Lorsque l’observateur clique sur le chevalet, Raoul se met au travail et exécute une œuvre dédicacée à l’intention du commanditaire. Une fois la réalisation terminée, l’imprimante s’enclenche et matérialise l’œuvre originale de Raoul Pictor sous les yeux du spectateur.

En opérant un transfert de l’art pictural dans le domaine numérique, ce travail aborde les changements de notre rapport au monde entrainés par les innovations digitales, notamment dans ses représentations formelles et conceptuelles. Le programme mis au point par Graumann peut produire une infinité de créations uniques – par génération et combinaison aléatoire d’éléments dessinés – qui possèdent tous les marqueurs d’authenticité et d’unicité habituellement présents sur les œuvres d’art sérielles : date, signature et numérotation. Avec ces nouveaux outils numériques, Graumann s’attaque au mythe de l’artiste. La création individuelle, telle qu’elle est généralement admise dans le domaine de l’art, est ici compromise par ce logiciel de génération autonome. L’œuvre s’affranchit du contrôle de son créateur et des institutions muséales : avec le programme présent dans différents musées et sous divers formats, la création devient tentaculaire. Le visiteur est d’ailleurs invité à emporter son impression dédicacée. Digne successeuse du mouvement dadaïste, l’œuvre Raoul Pictor cherche son style démonte avec beaucoup d’ironie nos systèmes de représentation et les valeurs que nous leur attribuons.

En cette période de confinement, l’œuvre de Graumann peut également s’inviter chez vous et agrémenter, virtuellement du moins, vos intérieurs. Vous pouvez en effet télécharger l’application gratuitement depuis le site de Raoul Pictor: http://www.raoulpictor.com (disponible seulement sur iPhone et iPad) et découvrir cet autre format développé par l’artiste. De cette manière, vous pouvez à votre tour participer à ce projet titanesque de génération d’images et contribuer à la recherche perpétuelle de Raoul Pictor.»